Quelques mots qui tuent… la liberté du thérapeute

Quelques mots qui tuent… la liberté du thérapeute

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Certains mots, quand ils font irruption dans ton atelier, ont un effet hypnotique sur ton esprit,
parfois rien qu’à les entendre,
parfois par les images qu’aussitôt ils suscitent.
Par leur pouvoir de fascination, ils t’engourdissent ou même t’endorment
et entravent de leur poids ta liberté de penser et d’agir.
Violence, suicide, cancer, hôpital psychiatrique, viol,
mots à l’impact contre-transférentiel lourd,
ils te laissent seul avec ton consultant,
comme s’il n’y avait plus personne d’autre entre vous ou au-dessus de vous,
comme si disparaissait l’instance tierce,
que s’aplatissait le troisième angle du triangle
ne te laissant aucun recul pour recevoir l’impact de ces mots,
créant un point aveugle qui te prive de tes moyens.
La force brute du mot, que tu ne peux contextualiser
dans le tissu relationnel et émotionnel du moment,
te détourne de la réalité du consultant ici et maintenant,
de son besoin fondamental que ces réalités écrasantes puissent être parlées et vécues,
voire de la réalité même de l’atelier,
t’embarquant dans un devoir de compassion ou de réparation.
Quand ils ne te projettent dans la réalité sociale avec ses lois et ses sanctions.
Ainsi de la violence,
dès qu’elle est nommée ou que l’ombre s’en dessine,
qui fait surgir une menace.
Tu te sens fortement incité à la prudence,
tu en viens à mesurer le poids de tes mots, l’amplitude de tes gestes,
comme s’il y avait danger,
comme s’il y avait un explosif, une mine, un baril de dynamite
et que tu tenais l’allumette.
Qu’est-ce qui infléchit si fort ton attitude ?
S’agit-il d’une violence contre toi
ou s’agit-il, quelle que soit l’apparence,
de la violence des émotions et des sentiments
que le refoulement ou l’interdit ont accumulés et enkystés.
Bien sûr quand tu l’abordes,
la pression, la peur, le niveau sonore, l’agitation augmentent.
Pourtant en elle-même, c’est une charge énergétique, ni bonne ni mauvaise,
ni agressive par elle-même contre toi ou lui-même,
mais la percevoir et la nommer violence
traduit la diabolisation des mouvements de l’âme,
considérés comme dangereux et inscrits comme tels.
Charge qu’il faut libérer pour qu’elle circule et revienne au service du consultant
qui s’en est trouvé privé si longtemps.
Ou du suicide.
Quand ton consultant évoque des idées de mort,
aussitôt circule dans ton sang la peur
qu’il passe à l’acte de lui-même ou sur une intervention maladroite de ta part.
Il importe avant tout de ne pas laisser amputer ta liberté de thérapeute.
L’ombre de la mort te confronte aux limites de ta puissance,
te libérant du fantasme de toute-puissance
te demandant d’accepter l’impuissance.
Comment pouvoir écouter et percevoir le monde intérieur de ton consultant
en lui laissant tout l’espace de se déployer,
s’il y a au-dessus de toi une épée de Damoclès prête à se décrocher, crois-tu,
au premier éternuement, au premier faux-pas de ta part ?
S’il le faut, tu peux passer un contrat de non-passage à l’acte
ou passer la main
car il s’agit de sortir aussi bien de la toute-puissance que de l’impuissance.
Il te revient de poser les conditions qui te permettront de faire ton travail,
celui pour lequel tu es payé,
en accord avec tes limites,
et être ainsi garant de l’usage de votre puissance.
Ou du cancer
qui fait venir également l’ombre de la mort,
que tu peux entendre ricaner « tu peux la guérir, je l’emporterai quand même!»
Ce n’est pas seulement l’impuissance, c’est aussi l’échec,
quand lui comme toi pensiez peut-être avec la thérapie
écarter la prolifération cancéreuse.